LE SYSTME CONSTITUTIONNEL DE LA HONGRIE

Antal ADAM *

I. LE COMPROMIS DANS L'HISTOIRE DE DROIT PUBLIC HONGROIS

1. Le système de gouvernement en Hongrie peut être qualifié de république parlemantaire. La situation et le rôle des nouveaux pouvoirs, c'est-à-dire du président, du gouvernement et du parlement, ainsi que les relations entre eux sont déterminés en grande partie par les traditions du parlementarisme. Ce sont la situation géopolitique et les événements particuliers de l'histoire de la Hongrie -qui fête son millecentenaire en 2000- qui expliquent que les conflits intérieurs d'intérêts politiques et sociaux et le développement des relations avec l'Autriche, ainsi que le changement pacifique du régime en 1989-1990 ont pu être résolus par les partenaires par négociations, par conciliation des intérêts et par la promulgation en tant que loi du consensus ainsi atteint.1

Comme résultat de l'accord entre le roi, les grands seigneurs, les hauts dignitaires ecclésiatiques et les "serviens" (membres de la classe au pouvoir ordonnés au service du roi et luttant pour l'égalité de droits avec les personnes mentionnées de la noblesse) l'un des documents de base de la monarchie patriarchale, la Bulle d'Or adoptée en 1222 contient des droits qui reviennent uniformément à la noblesse: la liberté personnelle, l'appartenance à la juridiction du roi, les immunités fiscales et le droit de résistance.

Bien que dès la fin du XIIIe siècle et au XIVe siècle on ait tenu quelquefois des réunions législatives, la convocation régulière de l'assemblée législative dénommée parlamentum publicum n'a commencé qu'avec le développement de l'Etat du régime des Ordres, au début du XVe siècle. Outre les grands seigneurs, les hauts dignitaires ecclésiastiques et les délégués départementaux de la noblesse, les délégués des villes y ont également pris part à partir de 1445.

La théorie particulière de l'Etat féodal hongrois, le principe dit de la Sainte Couronne a été englobée par István Werbczy dans son fameux code de 1514 intitulé " Tripartitum". Selon ses constatations, la couronne du roi saint Etienne, fondateur de l'Etat -couronne donnée par le Pape Sylvestre II- incarne et symbolise le pouvoir collectif de la noblesse, des citoyens des villes privilégiées et du roi, ainsi que le territoire du pays. C'est la dépendance réciproque du roi et de la noblesse qui se manifestait dans la cérémonie du couronnement, où le roi s'engageait par le serment du sacre et par le diplôme inaugural à garder les privilèges des ordres, l'intégrité du pays, etc. puis les nobles prêtaient serment au roi. La théorie de la Sainte Couronne -bien qu'avec un contenu modifié, étant donné que la nation a succédé à la noblesse- a survécu également à la révolution bourgeoise de 1848-49 et a été jusqu'en 1945 la conception officielle du pouvoir professée également par les manuels de droit public.

Après l'assujettissement de la partie centrale du pays par les Turcs et le partage de la Hongrie en trois parties (1541) sous les souverains Habsbourg, l'assemblée nationale et le roi créaient les lois ensemble. Les ordres du pays ont déjà déclaré dans la Loi No 5 de l'année 1547 qu'ils se soumettent au règne de Ferdinand Ier d'Autriche et de ses descendants masculins, mais n'ont pas précisé lequel des descendants masculins ils éliront roi. Après la reconquête de Buda (1686), les ordres ont renoncé au droit de résistance en 1687 et dans la Loi No 2 de l'année 1688, ils ont reconnu l'ordre de succession au trône de la primogéniture de la ligne masculine des Habsbourg. De ce fait, l'assemblée nationale a renoncé à son droit d'élire le roi au sein de la famille des Habsbourg. Cependant, les législateurs ont stipulé que lors de son avènement au trône, le roi héréditaire doit se faire couronner en Hongrie par l'assemblée nationale, émettre une charte relative au respect de la constitution et des lois du pays et y prêter serment. Au cours de l'époque des Habsbourg, la charte a été insérée dans le recueil des lois. Et en 1723, la succession de la ligne féminine des Habsbourg a été également décrétée par la loi dite Pragmatica Sanctio. En réaction contre le règne absolutiste éclairé de Joseph II, la loi No 12 de l'année 1791 a fixé les droits des ordres et du roi à l'égard de la législation, les droits du roi à l'égard de l'exécution de la loi et de la juridiction. Cette loi stipule formellement que l'ordre de la juridiction fixé par la loi ne peut pas être modifié par le pouvoir du roi. Parmi les sujets de la législation figuraient le remède aux griefs causés aux ordres, l'offre d'impôts et de recrues, ainsi que l'organisation constitutionnelle du pays. La loi No 13 de l'année 1791 a assuré la liberté des débats de l'assemblée nationale.

Parmi les assemblées nationales de l'époque féodale, une importance particulière revient aux assemblées nationales dites de réformes tenues dans la première moitié du XIXe siècle et préparant la transformation bourgeoise. En Hongrie, une des particularités du parlementarisme féodal s'est manifestée dans le fait que les membres de la Chambre basse de l'assemblée nationale étaient délégués et munis d'instructions obligatoires par les assemblées générales des comitats nobiliaires. Et les comitats nobiliaires étaient des remparts importants de la protection de l'indépendance du pays.

Le rôle historique considérable du compromis, de l'entente, de la continuité et de la législation s'exprime d'une manière sensible dans les lois adoptées en mars 1848 par la dernière assemblée nationale des ordres sur la suppression des privilèges de la noblesse, sur la participation égales aux charges publiques, sur la liberté de la presse, de l'enseignement et des cultes, sur l'assemblée nationale représentative et sur le régime gouvernemental responsable. Certes, la vague révolutionnaire européenne de l'époque ainsi que la révolution du 15 mars 1848 à Pest, révolution sans effusion de sang, ont joué un rôle important dans la sanction royale des lois.

Les forces armées autrichiennes, aidées par le tsar, ont écrasé la lutte pour l'indépendance de 1848-49. Après sont venues les années amères de la répression et du néo-absolutisme. Cependant, au milieu des années 1860, un compromis est survenu entre les classes hongroises des propriétaires fonciers et des capitalistes et celles de l'Autriche. Le régime gouvernemental de la Monarchie austro-hongroise créée en 1867 a été fixé de la part hongroise par la loi No 12 adoptée cette même année. Un accord est survenu au sein de la Monarchie entre la Hongrie et son pays associé, la Croatie-Slavonie-Dalmatie, accord incorporé côté hongrois dans la Loi No 13 de l'année 1868.

Le système des institutions de l'Etat de droit libéral s'est développé et a fonctionné à partir du Compromis jusqu'à la Ière guerre mondiale. Des lois ont été adoptées sur la séparation de l'administration publique et des pouvoirs judiciaires, sur le mariage civil, sur le registre d'état civil, sur la libertés des cultes, sur les questions de la presse, sur le Tribunal administratif et sur les Codes modernes pénal, de procédure pénale et de procédure civile. En outre, le parlement était le forum primaire de la mise en équilibre des forces politiques hongroises et de la Cour de Vienne.

La révolution démocratique bourgeoise en octobre 1918, après la Ière guerre mondiale, s'est passée également sans effusion de sang. Le 21 mars 1919, on a proclamé la République des Conseils d'une durée de 133 jours sur la base d'un accord politique conclu avec les dirigeants communistes en prison.

2. Les historiens et les politologues ont déjà mis à jour et analysé en détail les circonstances extérieures et intérieures favorables permettant en Hongrie aux représentants des forces réformatrices du parti-Etat, de l'opposition politique radicale et des différentes organisations sociales (syndicats, Front populaire, etc.) d'élaborer et de conclure en septembre 1989, au terme de négociations qui ont duré plusieurs mois, les pactes politiques, qui, avec des modifications minimes et insignifiantes ont été adoptés par le parlement élu en 1985. Ces accords politiques ont fixé en détail le contenu de la révision de la Constitution de 1949, de la nouvelle loi démocratique sur les élections, de la loi sur les partis politiques ainsi que de la loi sur la Cour constitutionnelle.

Il est à mentionner que la préparation de la révision de la Constitution a commencé déjà au printemps de 1988 dans le cadre du Ministère de la Justice, avec la participation de quelques experts de l'opposition, par exemple avec celle du président premier de la Cour constitutionnelle et, en tant que résultat, un projet de constitution a été publié en mars 1989. L'une des modifications de la Constitution adoptées à la session du printemps de 1989 a déjà prescrit l'établissement de la Cour constitutionnelle. Et la Loi sur l'association adoptée en janvier 1989 a permis la création de partis politiques. Sur la base de cette loi, le système uniparti a cessé d'exister et en automne 1989, lors de l'élaboration des pactes politiques mentionnés, c'étaient déjà les partis d'opposition fonctionnant d'une manière légale qui jouaient le rôle décisif. Du point de vue de la science juridique, il faut mentionner le fait qu'à partir du début des années 80, l'on a mené des recherches de droit comparé, financées par le budget d'Etat et organisées par l'Institut des Sciences juridiques de l'Académie des Sciences de Hongrie. 50 monographies en sont résultées, dans lesquelles les auteurs présentent les institutions des Etats de droit occidentaux. Cependant, on ne peut pas nier que la plupart des conclusions tirées de ces examens comparatifs s'orientaient dans la direction d'un Etat de droit dit socialiste. Par contre, il est important qu'en automne 1989, les experts des négociations tripartites pouvaient s'appuyer entre autres sur les résultats de ces recherches.

Les faits mentionnés ci-dessus indiquent la réalité de la similitude entre le rôle joué dans le changement du régime par la dernière assemblée nationale des Ordres de 1847-48 et par celui de la dernière assemblée nationale socialiste élue en 1985, similitude souvent constatée par les historiens et politologues. Parmi les différences non négligeables de la situation de ces deux organes législatifs, je ne mentionne ici qu'un fait: en 1989-1990, parmi les députés du parlement élu en 1985, prenaient déjà place des députés de l'opposition qui avaient obtenu leur mandat lors d'élections partielles tenues dans des circonscriptions restées sans député à cause du décès ou de la révocation du député précédemment élu. Parmi les particularités juridiques esquissées du changement du régime, il est à mentionner que sur la base de la révision de la Constitution adoptée, la République hongroise succédant à la République populaire antérieure a été solennellement proclamée du haut du balcon du Parlement le 23 octobre 1989, au 33e anniversaire de la révolution et de la lutte pour l'indépendance de 1956 également par le président de l'ancien parlement. La combinaison particulière de la continuité et de la discontinuité s'exprime également par le fait que malgré la révision de la constitution en automne 1989, jetant les fondements du changement du régime et malgré les plus que dix modifications de la Constitution effectuées depuis cette date, le titre de la Constitution en vigueur se réfère actuelle-ment aussi à la Constitution de l'année 1949, bien que seule la phrase suivante de son contenu soit restée en vigueur: "La capitale de la Hongrie est Budapest". D'ailleurs, ce fait figure parmi les motifs politiques de l'élaboration et de l'adoption d'une Constitution entièrement nouvelle, question mise à l'ordre du jour.

II. LE PRESIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

1. En Hongrie, le Président de la République n'est pas investi des droits d'arbitre. Du point de vue de la constitutionnalité, le rôle de l'arbitre est exercé par la Cour constitutionnelle à l'égard de chacune des trois branches du pouvoir. La vocation du Président de la République est plutôt de remplir une mission de coopération et d'équilibration à l'égard du parlement et du gouvernement. Les composants fondamentaux et les caractéristiques générales du système gouvernemental parlementaire d'aujourd'hui sont les suivants.

Le parlement unicaméral est élu au scrutin général, direct et secret dans un système de circonscriptions individuelles et de listes territoriales des partis.

Les fonctions du chef d'Etat et celles du chef du gouvernement sont séparées. Le Président de la République est élu par le parlement. Le chef d'Etat n'assume pas de responsabilité politique. Les cadres de sa responsabilité juridique et la manière de sa mise en oeuvre sont fixés par la Constitution.

Le gouvernement n'est pas bicéphale. Le pouvoir exécutif revient exclusivement au gouvernement. Dans les affaires dont la responsabilité incombe au pouvoir exécutif, les décisions du chef d'Etat sont prises sur proposition du premier ministre ou du ministre compétent et avec leur contreseing. En outre, le Président de la République s'acquitte de plusieurs tâches par l'exécution desquelles il contribue à la création des conditions de fonctionnement des autres branches du pouvoir, il équilibre ou il corrige leur activité. En outre, habilité par la Constitution, il prend les mesures extraordinaires nécessaires dans une situation de crise. Ces décisions ne requièrent pas le contreseing d'un ministre. Pour cette raison, ces décisions sont appelées des décisions neutres du chef d'Etat. Pour prouver ces constatations générales, je me réfère aux faits suivants.

2. A l'époque de la préparation de la révision de la Constitution du 23 octobre 1989, un vif débat s'est déroulé sur la situation juridique du chef d'Etat de la quatrième République hongroise. L'intérêt accru porté à ce sujet n'a pas diminué à la date de la rédaction de cette étude (janvier 2000). Il est à présumer que la nouvelle Constitution modifiera sous maints rapports la position présente du chef d'Etat. La question non résolue jusqu'à l'heure actuelle est de savoir si, au cours de l'époque qui suit le changement de régime, la Hongrie a besoin d'un chef d'Etat qui dispose d'un pouvoir similaire à celui du Président des Etats-Unis, de l'Italie ou de la France. Certains étaient et sont encore aujourd'hui d'avis qu'il serait favorable -et du point de vue de la direction plus opérative et plus efficace des relations extérieures et du point de vue de la stabilité intérieure et de la promotion du démocratisme unitaire de l'Etat- que le chef d'Etat soit élu directement par les électeurs et que, s'adaptant à ce système, le chef d'Etat dispose d'une indépendance appropriée et d'un pouvoir plus large que le pouvoir actuel. D'autres -et parmi ceux-ci moi-même- ont cherché et cherchent les solutions modernes du rôle et de la situation juridique du chef d'Etat dans le cadre des systèmes hongrois antérieurs et d'autres systèmes européens de gouvernement parlementaire.

Entre octobre 1989 et août 1990, les dispositions constitutionnelles relatives à l'élection et à la responsabilité du chef d'Etat ont été plusieurs fois modifiées. Sur la base de la révision de la Constitution du 23 octobre 1989, le Président de la République devait obtenir son mandat du parlement pour quatre années. Cette solution se fondait sur l'accord des anciennes et nouvelles forces politiques. Cependant, la Constitution modifiée a fixé parmi les dispositions transitoires que si la fonction de Président de la République devait être rempli avant l'élection de la nouvelle Assemblée nationale, le chef d'Etat serait élu directement par les électeurs. Le référendum du 26 novembre 1989 a décidé à une faible majorité que le Président de la République doit être élu après les élections parlementaires, c'est-à-dire par la nouvelle Assemblée nationale. Par contre, le 1er mars 1990, l'Assemblée nationale élue en 1985 a modifié la Constitution qui de ce fait a prescrit que le Président de la République soit élu directement par les citoyens. Dans l'arrière-plan de cette modification se cache l'effort que soit élu chef de l'Etat l'homme politique réformateur-socialiste Imre Pozsgai, alors très populaire.

Du fait de la nouvelle modification adoptée le 19 juin 1990 par l'Assemblée nationale élue en mars 1990, la Constitution en vigueur stipule que le Président de la République est élu par le parlement pour cinq ans. Sur l'initiative des citoyens, la manière de l'élection du Président de la République a été de nouveau sujet de référendum le 29 juillet 1990. Etant donné qu'à peine 14% des électeurs se sont présentés au référendum, il n'a pas été valable. Le 3 août 1990, puis le 19 juin 1995, l'Assemblée nationale a élu Arpád Göncz Président de la République.

3. Actuellement, les relations entre le Président de la République et l'Assemblée nationale se caractérisent en général par la dépendance réciproque. Bien que du point de vue politique le chef d'Etat ne soit pas responsable devant le parlement, les droits nettement caractérisés que l'Assemblée nationale peut exercer à l'égard du Président de la République remettent en question la situation de pouvoir neutre du chef d'Etat. A la suite de la proposition de tout député, à la majorité des deux tiers au moins des députés et au scrutin secret, l'Assemblée nationale peut déclarer l'incompatibilité à l'égard du Président. Un cinquième des députés peut proposer l'établissement de la responsabilité du Président violant au cours de l'exercice de ses fonctions la Constitution ou d'autres lois. La procédure de l'établissement de la responsabilité est engagée sur une décision prise à la majorité des deux tiers des députés. Le scrutin sur cette question est secret. Le jugement de l'acte rentre dans la compétence de la Cour constitutionnelle. Si, sur la base de sa procédure, la Cour constitutionnelle constate le fait de la violation de la loi, elle peut priver le Président de la République de ses fonctions. Dans le cas des conditions fixées par la Constitution, la Cour constitutionnelle décide également de l'établissement de la responsabilité pénale du Président de la République.

4. On peut constater qu'en raison de l'exigence de la séparation des pouvoirs et de la nécessité de leur équilibre, le Président de la République exerce également des droits importants à l'égard du parlement. Il peut prendre part et prendre la parole aux sessions de l'Assemblée nationale et des commissions de l'Assemblée nationale, peut prendre l'initiative de lois et peut proposer à l'Assemblée nationale de prendre des mesures. Il peut également prendre l'initative d'un référendum.

Le Président de la République fait promulguer la loi dans les quinze jours -sur la demande d'urgence du président de l'Assemblée nationale, dans les cinq jours- à compter de sa réception. Il signe la loi qui lui est envoyée pour promulgation. Si le Président de la République n'est pas d'accord avec la loi ou avec certaines de ses dispositions, avant de signer la loi et dans le délai indiqué ci-dessus, il peut la renvoyer avec ses remarques à l'Assemblée nationale pour qu'elle y soit reconsidérée. Dans ce cas, l'Assemblée nationale discute encore une fois la loi et décide de nouveau de son adoption. Le Président de la République est tenu de signer la loi qui lui est transmise après cette procédure par le président de l'Assemblée nationale et de la promulguer dans les cinq jours.

Si le Président de la République estime qu'une disposition de la loi est en contradiction avec la Constitution, il a droit de transmettre la loi avant la signature et dans le délai indiqué à la Cour constitutionnelle pour appréciation. Si l'inconstitutionnalité est constatée par la Cour constitutionnelle, qui engage un procédure d'urgence, le Président de la République renvoie la loi à l'Assemblée nationale; dans le cas contraire, il est tenu de signer la loi et de la promulguer dans les cinq jours.

La séance inaugurale de l'Assemblée nationale est convoquée par le Président de la République à une date dans le courant d'un mois à compter des élections. Dans les autres cas, les sessions de l'Assemblée nationale et, au cours de la session, les séances sont convoquées par le président de l'Assemblée nationale. Sur demande du Président de la République, une session extraordinaire ou une séance extraordinaire de l'Assemblée nationale doit être convoquée. Le Président peut demander que l'Assemblée nationale se réunisse à huis clos. L'Assemblée nationale décide de cette question à la majorité des deux tiers des voix des députés.

Au cours d'une session, le Président de la République peut ajourner la séance de l'Assemblée nationale une fois et pour trente jours au plus. Mais pendant la durée de l'ajournement, sur demande écrite présentée par un cinquième des députés, le président de l'Assemblée nationale est tenu de convoquer l'Assemblée nationale à une date qui ne dépasse pas les huit jours à compter de la date de la réception de la demande.

Le Président de la République peut dissoudre l'Assemblée nationale en fixant en même temps la date des élections, dans deux hypothèses. Tout d'abord si en cours du mandat de la même Assemblée nationale, l'Assemblée nationale retire sa confiance au gouvernement quatre fois au moins dans l'espace de douze mois. Ensuite si, en cas de la cessation du mandat du gouvernement, elle n'élit pas la personne proposée par le Président de la République au poste de premier ministre dans les quarante jours à compter de la présentation de la première proposition. Avant la dissolution de l'Assemblée nationale, le Président de la République est tenu de prendre l'avis du premier ministre, du président de l'Assemblée nationale et des dirigeants des groupes des partis représentés à l'Assemblée nationale. Une nouvelle Assemblée nationale doit être élue dans les trois mois à compter du jour où expire le mandat de l'Assemblée nationale ou du jour où elle se dissout ou est dissoute. L'Assemblée nationale déploie son activité jusqu'à la séance inaugurale de la nouvelle Assemblée nationale. En cas d'état de guerre, de danger de guerre ou d'état d'urgence, le Président de la République peut reconvoquer l'Assemblée nationale qui s'est dissoute ou qu'il a déclarée dissoute. Dans ce cas, l'Assemblée nationale décide elle-même de la prolongation de son mandat.

III. LE GOUVERNEMENT

1. En ce qui concerne les relations entre le Président de la République et le gouvernement, je voudrais tout d'abord souligner que le premier ministre est élu sur proposition du Président de la République à la majorité des voix des membres de l'Assemblée nationale. Bien que la Constitution soit muette sur cette question, il est bien entendu que lors de la formation de sa proposition, le chef d'Etat prend en considération les rapports de forces parlemantaires et le résultat des négociations de coalition des partis parlementaires. Avant son élection, la personne proposée par le chef d'Etat est tenue de soumettre au parlement le programme du gouvernement. L'Assemblée nationale décide à la fois de l'élection du premier ministre et de l'adoption du programme du gouvernement qu'il soumet. Un trait important du régime de gouvernement établi par la modification de la Constitution adoptée le 9 mai 1990 consiste dans le fait que les ministres sont nommés et relevés de leurs fonctions par le chef d'Etat sur proposition du premier ministre. Donc c'est essentiellement le premier ministre qui décide -et après les élections parlementaires, et par la suite- de la composition du gouvernement, dans le cas donné bien sûr sur la base des négociations menées avec les partis de coalition parlementaires.

En vue de renforcer la position du premier ministre et du gouvernement, la révision de la Constitution adoptée le 19 juin 1990 a institutionnalisé le vote de censure dit constructif. Conformément à la disposition de la Constitution, un cinquième au moins des députés peut déposer en écrit une motion de censure contre le premier ministre, en indiquant la personne candidate à la fonction de premier ministre. La motion de censure présentée contre le premier ministre est à considérer comme une motion de censure présentée contre le gouvernement. Si, sur la base de la motion, la majorité des députés exprime son manque de confiance à l'égard du gouvernement, la personne indiquée comme nouveau premier ministre doit être considérée comme élue.

Un des traits essentiels du régime de gouvernement hongrois est donc le rôle prééminent du premier ministre dans la détermination de la composition du gouvernement, dans l'élaboration du programme du gouvernement et dans l'organisation du travail collectif du gouvernement. Si nous ajoutons que le mandat du gouvernement prend fin par le décès du premier ministre, par sa démission et si l'Assemblée nationale lui retire sa confiance, et si nous prenons en considération qu'un vote de censure constructif a pour effet l'élection d'un nouveau premier ministre, le régime gouvernemental hongrois peut quasiment être considéré comme un régime de premier ministre, un régime gouvernemental de chancelier.

Il faut cependant souligner un fait: bien que le sort du gouvernement soit lié au mandat du premier ministre, la Constitution -conformément aux traditions parlementaires hongroises- dispose de la responsabilité collective du gouvernement et de la responsabilité individuelle des ministres devant le parlement. Tandis que pour faire valoir la responsabilité collective du gouvernement on a à disposition la motion de censure, dont également le gouvernement peut prendre l'initiative, l'énoncé de la Constitution selon lequel "les membres du gouvernement sont responsables devant le gouvernement et devant l'Assemblée nationale, ils sont tenus de rendre compte de leur activité au gouvernement et à l'Assemblée nationale" ne signifie pas un rapport de responsabilité réelle. Les ministres ne peuvent être relevés de leurs fonctions ni par le gouvernement, ni par l'Assemblée nationale. C'est uniquement le premier ministre qui peut proposer au Président de la République le relèvement des ministres de leurs fonctions.

2. La première élection démocratique en mars 1990, un gouvernement national, chrétien, conservateur s'est créé qui est resté en place et a gouverné jusqu'à la fin du mandat avec quelques changements de personne. Le gouvernement de coalition pouvait s'appuyer sur une majorité parlementaire de 62%. A partir de 1994, un gouvernement socialiste-libéral est au pouvoir qui bénéficie au parlement d'un appui socialiste de 54% et d'un appui démocrate libre de 18%. Sur la base des élections parlementaires de 1998 le gouvernement national-conservateur bénéficie d'un appui de 55% des députés. L'un et l'autre gouvernement -bien qu'avec des devises politiques différentes- se sont efforcés et s'efforcent d'instaurer les institutions de l'Etat de droit démocratique, de privatiser la propriété d'Etat, de transformer la structure de l'économie, en premier lieu celle de l'industrie, d'indemniser les anciens propriétaires, de s'as-

socier à l'Union européenne et d'être admis à l'OTAN,2 de régler les rapports avec les pays voisins. Selon les appréciations occidentales, il est à présent vraisemblable que la Hongrie sera admise à l'Union européenne parmi les premiers, ensemble avec la République tchèque, la Pologne, la Slovénie.

Cependant, la transformation politique et économique exige d'énormes sacrifices non prévus. En partie comme conséquence de ce fait, d'autre part par suite de la perte ou de la régression des marchés orientaux antérieurs, surtout soviétiques, la production totale de l'industrie et de l'agriculture a diminué. Le chômage atteint les 10 à 15%. Le régime antérieur de prévoyance sociale et de protection de la santé pour ainsi dire fabuleux (soins médicaux gratuits et médicaments à prix réduit revenant aux citoyens en tant que droit civique, enseignement primaire, secondaire et universitaire gratuit, bourses, cités universitaires et d'autres subventions amples, assistance multiple et durable aux nourissons, aux mères, protection des enfants et de la jeunesse, vacances gratuites ou à prix réduit subventionnées par les syndicats, par le lieu de travail, autres formes d'assistance sociale) s'est radicalement transformé, c'est-à-dire a diminué. Selon plusieurs sociologues renommés, la société est devenue bipolaire, s'est décomposée en deux groupes, le groupe d'une grande masse de pauvres et le groupe des riches peu nombreux.

L'opposition des trois gouvernements, les organisations de représentation des intérêts, la presse et les média électroniques émettent une vive critique face à ces phénomènes. Cependant, les institutions internationales financières stimulent et reconnaissent les mesures financières restrictives des gouvernements, surtout celles du préalable gouvernement socialiste-libéral, mesures qui d'ailleurs étaient divergeantes des promesses faites lors de l'élection.

Il n'en demeure pas moins que jusqu'à présent, une protestation sociale massive et radicale n'a pas eu lieu et il est à présumer que de tels évenements n'auront pas lieu à l'avenir non plus.

Le rôle du gouvernement dans la direction par l'Etat de la transformation et dans le traitement des problèmes englobe presque tous les aspects de la politique intérieure et extérieure. Il accomplit ce travail en présence du contrôle politique et de l'activité législative extrêmement intenses du parlement. En effet, la Constitution fixe d'une part d'une façon très large les objets législatifs, d'autre part permet que l'Assemblée nationale légifère sur n'importe quelle question. C'est en partie cette situation constitutionnelle, en partie le rôle prééminent de l'élite politique dans l'initiative du changement du régime qui expliquent les efforts déployés pour réglementer par la loi et faire apprécier par le parlement tous les détails de la transformation. Les projets de loi -sauf quelques exceptions- sont élaborés par les ministères et soumis par le gouvernement. Ces constatations mènent au thème suivant de notre enquête.

IV. LE PARLEMENT

1. Lors de la préparation des changements des années 1989-1990, une grande partie des efforts politiques et intellectuels étaient liés à la réforme du système électoral. Sur la base du système de la candidature double, voire multiple -permise à partir de 1970 et assurée et même stimulée par la loi électorale de l'année 1983-, en 1985 on a vu augmenter le nombre des candidats et des députés dont la candidature avait été proposée aux réunions de désignation de candidatures par les électeurs sur leur propre initiative et non par les organes de la politique officielle. Dans le numéro d'avril 1988 de la revue intitulée "llam és Igazgatás" (Etat et Administration), 12 auteurs ont publié le résultat de leurs recherches et leurs propositions concernant le système électoral. Les organisations de la société civile, devenues plus fortes, et les forces de l'opposition ont insisté d'une voix toujours plus forte pour la démocratisation du système représentatif. Le Forum démocratique hongrois, parti vainqueur du cycle parlementaire 1990-1994, a revendiqué le 30 janvier 1988 dans sa déclaration qu'une nouvelle loi électorale démocratique soit créée par l'Assemblée nationale. En automne 1988, le gouvernement aussi a adopté et soumis au débat social un projet de loi sur ce sujet. En décembre 1988, résumant les expériences de ce débat, le Comité de droit public et le Conseil national du Front populaire patriotique ont constaté que le projet se base sur la structure politique uniparti, il est donc anachronique, c'est pourquoi il faut créer de nouvelles lois sur les élections parlementaires et sur les élections des collectivités. Le 4 février 1989, le Forum indépendant des juristes, organisation d'opposition, a publié un projet de loi sur les élections dans un système multiparti. En février 1989, des projets basés sur le multipartisme ont été préparés également par le Ministère de l'Intérieur. Le Comité central du parti-Etat a déclaré en mars 1989 qu'il est prêt à mener des négociations bilatérales et multilatérales avec toute organisation légale sur la modalité nouvelle de l'exercice du pouvoir. Après le début des négocations, les forces d'opposition se sont rassemblées sous la dénomination "Table ronde d'opposition". La Loi No XXXIII de l'année 1989 sur les élections des députés de l'Assemblée nationale est née sur la base des négociations tripartites déjà mentionnées et dénommées "Table ronde nationale" et se basant sur les accords de principe tripartites, mais avec la collaboration technique du Ministère de l'Intérieur et en prenant en considération quelques propositions du parlement (surtout celles de ses commissions).

Cette loi -toujours en vigueur avec certaines modifications minimes- a institutionnalisé un système électoral mixte. Dans ce cadre, 176 des 386 députés parlementaires sont élus dans une circonscription individuelle, disposant d'un mandat -c'est-à-dire sont élus nécessairement à la majorité absolue-, 152 sur les listes territoriales des partis, (19 listes départementales et 1 liste dans la capitale) assurant une proportionnalité modérée, et 58 sur les listes nationales qui servent le réajustement complémentaire. Les électeurs ne votent pas pour les listes nationales. Les partis qui n'ont pas atteint les 5% (en 1990, 4%) de l'ensemble des suffrages, ne peuvent obtenir de mandats ni sur la liste territoriale, ni sur la liste nationale. Pour être candidat, il faut collecter 750 recommandations nominatives d'électeurs. Les conditions de la candidature jouent un rôle important dans la synthèse des éléments du système électoral. En effet, seul le parti ayant présenté une candidature dans deux circonscriptions au moins du territoire donné peut présenter une liste territoriale, et la présentation d'une liste nationale est soumise à la condition de présenter une liste de candidats dans 7 circonscriptions au moins.

Le fait que la loi se concentre sur les partis, a accéléré le développement des partis. En janvier 1990, il existait 65 organisations enregistrées en tant que partis.

En outre, on peut constater que la structure parlementaire à trois pôles -conservateurs-nationaux-chrétiens, socialistes-sociaux-démocrates et libéraux- s'est stabilisée. La question de savoir qui parmi eux ou quelle coalition formée par eux gagnera les élections sera déterminée en premier lieu, outre la participation éventuelle des 1/3 d'électeurs absents du suffrage, par le ralliement à un parti ou à une orientation politique, lors des nouvelles élections, du groupe des électeurs ayant jusqu'ici une orientation politique incertaine.

En examinant le rôle des trois élections, nous pouvons aussi constater que les premières élections ont été des élections changeant le régime, les deuxièmes et les troisièmes des élections changeant le gouvernement. A la question de savoir si le parlement représente la société civile, nous pouvons répondre d'une part qu'il ne le représente que dans une faible mesure, et d'autre part que le sentiment d'être représenté de ceux qui ont voté pour les partis vainqueurs, s'affaiblit fortement au cours du cycle. L'élite politique rassemblée dans les corps dirigeants des partis s'éloigne de ses électeurs et se concentre souvent sur les rivalités qui se produisent au sein du parti ou entre les partenaires de la coalition.

2. Profitant des expériences acquises jusqu'ici, les experts ont formulé plusieurs recommandations pour le perfectionnement du système électoral. Ces recommandations portent surtout sur la simplification du système de candidature, sur le développement de la juridiction électorale et sur l'amélioration de certaines autres règles procédurales. Un vif débat se déroule sur la reconnaissance du droit électoral des personnes de nationalité hongroise vivant à l'étranger. Cependant, le consensus nécessaire ne peut être atteint que difficilement, à cause des intérêts divergeants des partis parlementaires. Les éléments démocratiques du système électoral socialiste, comme la possibilité des citoyens de présenter directement des candidatures, de donner au député un mandat d'intérêt public obligatoire, l'obligation du député de rendre compte régulièrement à ses électeurs, la possibilité des électeurs de révoquer leur député, etc. vivent encore dans la mémoire de la plupart des hommes politiques et des électeurs. C'est pourquoi il me paraît peu probable qu'on supprime le système des circonscriptions individuelles pour adopter le système électoral basé uniquement sur les suffrages de listes territoriales des partis, assurant la proportionnalité. Dans le cadre des préparatifs de la nouvelle Constitution, de plus en plus nombreux sont ceux qui soutiennent l'opinion que la représentation des Eglises, des ethnies, de certains corporations publics et organisations civiles devrait être résolue par l'institutionnalisation d'un Sénat de 100 à 150 membres. Cependant, dans ce cas, il faudrait réduire le nombre des députés de l'Assemblée nationale à 200 membres.

3. On peut accentuer que le parlement hongrois accomplit un travail intense de législation et la lutte politique au sein du parlement est très vive. Tout cela est stimulé par la retransmission télévisée de la plupart des séances du parlement. L'élite politique parlementaire qui a lancé et a poursuivi le changement du régime, exige de pouvoir prendre position dans toute question qu'elle juge importante. A propos de certaines collisions, c'est la Cour constitutionnelle qui a dû énoncer que dans le système de la séparation des pouvoirs déterminé par la Constitution, le gouvernement n'est pas le subordonné du parlement, le parlement ne peut pas donner d'instructions obligatoires au gouvernement. Le gouvernement, en tant que détenteur du pouvoir exécutif, s'acquitte d'une manière indépendante de sa tâche de gouvernement, dans les cadres fixés par la Constitution et les lois, sous le contrôle politique du parlement et sa responsabilité politique à l'égard du parlement.

Sur l'initiative de l'opposition, le parlement a institué à plusieurs reprises des commissions d'enquête. Le contrôle très varié du parlement est favorisé par la Cour des Comptes, les commissions et sous-commissions permanentes et temporaires, les commissions d'enquête, les groupes parlementaires, les interpellations et les questions des députés, les interventions des députés prononcées avant l'ordre du jour.

V. LES COLLECTIVITES LOCALES

Le territoire de la République de Hongrie est divisé en capitale, départements, villes et communes. La cappitale est divisée en arrondissements. Les villes peuvent être divisées en arrondissements. Les communautés des électeurs des communes, des villes, de la capitale, de ses arrondissements et des départements ont droit à l'autogestion locale. L'autogestion locale consiste dans la gestion autonome et démocratique des affaires publiques locales qui concernent la communauté des électeurs.

La preuve de l'importance du système des collectivités est le fait, que la Constitution et la loi No. LXV de 1990 sur les collectivités locales énoncent 18 droits fondamentaux qui reviennent à toutes les collectivités locales d'une façon égale. Les droits fondamentaux des collectivités locales ne peuvent être limités que par une loi adoptée à la majorité des deux tiers des voix des députés présents. En cas de violation des droits fondamentaux des collectivités locales (p. e. préjudice causée par un ministre ou la gouvernement) le corps représentatif a le droit de prosposer une procédure de la Cour constitutionelle.

Les collectivités locales ont la personalité morale. Les compétences locales seront accomplies par le corps représentatif, et par leurs organes, ainsi par le Maire, le Notaire, les commissions du corps représentatif ainsi que par le bureau du Maire. Les membres du corps représentatif sont élus pour quatre ans par les électeurs.

Les collectivités locales assurent des services publics locaux particulièrement comme: le développement local, l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement, la gestion des logement, la distributions d'eau, adducation et assainessement de l'eau, la canalisation, l'entreiten du cimetière public, l'entretien des routes locales et des voies publiques, les transports publiques locaux, les travaux de la voirie, de la propreté de commune. Elles devront prendre soin de la protection locale contre les incendies, accomplir les tâches reliées à la sécurité publique locale. Elles participent aux distributions d'énergie domestique, à la solution des question reliées à l'emploi. Elles prendront soin des écoles maternelles, de l'enseignement et de l'éducation primaire et secondaire, de la santé publique ainsi que des prestations sociales. Elles doivent assurer un espace communautaire (maison culture), aider les activités culturelles, scientifiques et les sport, faire prévaloir les droits des minorités nationales et ethniques, promouvoir les conditions de communauté d'un mode de vie sain.

En ce qui concerne les tâches mentionnes, c'est la collectivité locale qui détermine -sur la base des besoins de la population et en fonction de ses propres possibilités financieres- les tâches qu'elle accomplie, ainsi que la mesure et les modalités de cet accomplissement. Une loi peut prévoir l'obligation des collectivités locales de prendre soin de certains services publics et de l'accomplissement de certaines compétences locales. Ces obligations peuvent également être fixées différement en fonction de grandeur de la commune, du nombre des habitants et d'autres conditions. Aux fins des services publics faisant partie de sa compétence, le corps représentatif peut fonder des établissements publics locaux, des entreprises, d'autres organisations et il peut en nommer les dirigeants.

Afin de réglementer des affaires publiques locales non réglementées par la loi, ainsi que, par l'habilitation de la loi, en vue de son exécution le corps représentatif peut adopter et promulguer des décrets locaux. Les décrets locaux des collectivités locales doivent être publiés au journal officiel du corps représentatif ou de la manière traditionelle sur les lieux, comme déterminé dans le règlement intérieur. Le corps représentatif détermine les règles détaillées de son fonctionnement dans le règlement intérieur de la collectivité locale. Les décrets locaux ne peuvent pas être en contradiction avec des règles juridiques d'un niveau supérieur.

C'est le gouvernement, qui en collaboration avec le ministre de l'Intérieur et par l'intermédiaire du dirigeant de l'Office administratif de département exerce un contrôle permanent sur la légalité de l'activité des collactivités locales. Dans le cadre du contrôle postérieur et concret des normes juridiques il peut proposer une procédure de la Cour constitutionnelle. La constitutionnalité des décrets locaux en tant que règles juridiques sont jugés sur l'initiative de n'importe qui par la Cour constitutionnelle, selon le contrôle postérieur et abstrait des normes juridiques.

VI. LE COMMISSAIRE PARLEMENTAIRE DES DROITS DE L'HOMME ET LE COMMISSAIRE PARLEMENTAIRE DES DROITS DES MINORITES NATIONALES ET ETHNIQUES

Le commissiaire parlementaire des droits de l'homme et le commissiaire parlementaire des droits des minorités nationales et ethniques sont élus sur la proposition du président de la République par l'Assemblée natinale à la majorité des deux tiers des voix des députés. L'Assemblée peut élire un commissiaire spécial pour la protection de certains droits constitutionnels.

Aux termes de la Constitution le commissiaire parlementaire des droits de l'homme a pour mission d'examiner ou de faire examiner les abus relatifs aux droits constitutionnels parvenus à sa connaissance, ainsi que de prendre l'initiative de mesures générales ou individuelles pour y remédier. La mission du commissiaire parlementaire des droits des minorités nationales et ethniques est d'examiner ou de faire examiner les abus relatifs aux droits des minorités nationales et ethniques parvenu à sa connaissance ainsi que de prendre l'initiative de mesures générales ou individuelles pour y remédier. Chacun des commissiaires parlementaires doit rendre compte annuellement de ses expériences à l'Assemblée nationale. L'adpotion des lois sur les commissiaires parlementaires requiert la majorité des deux tiers des voix des députés présents.

VII. LES DROITS FONDAMENTAUX

La Déclaration universelle des Droits de l'Homme et du Citoyen, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ont bien été pris en considération par ceux qui ont préparé les dispositions sur les droits fondamentaux de la réforme générale de la Constitution des années 1989-1990. En 1974 la Hongrie a ratifié les deux Pactes et en 1976 elle les a promulgués avec force de loi et le 7 septembre 1988 elle a reconnu la compétence de la Commisssion des Droits de l'Homme créée sur la base de l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En 1990, la Hongrie a adhéré également à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales (de Rome), convention que le parlement, ensemble avec ses 8 protocoles, a ratifié en 1992 avec 2 réserves, et qu'il a promulguée en 1993. Sans énumérer le grand nombre des droits et libertés individuels et collectifs, les droits politiques, les droits des minorités, les droits sociaux, culturels et de protection de santé, je voudrais mentionner les caractéristiques suivantes de la réglementation constitutionnelle des droits fondamentaux.

Dans la Constitution hongroise aussi, les droits fondamentaux constituent un système cohérent avec des principes, des interdictions, des objectifs et obligations étatiques importants ainsi qu'avec des autres valeurs constitutionnelles.3 On peut considérer les valeurs constitutionnelles de l'Etat de droit constitutionnel comme dénominateur commun de la pluralité des valeurs qui constitue la base de la constitutionnalisation de l'ordre légal du pays.

Outre les droits fondamentaux traditionnels, la Constitution qualifie de droits innés de l'homme la dignité de l'homme, elle dispose en tant que droits fondamentaux de la protection du secret privé et des données personnelles, du droit de prendre connaissance des données d'intérêt public, du droit à l'environnement sain, de l'interdiction des monopoles d'information, du rôle public de la radio et de la télévision, des possibilités de fonctionnement des radios et des télévisions privées, du droit à l'autogestion des électeurs des agglomérations et des unités administratives territoriales. Dans le cadre des droits individuels et collectifs des minorités, la Constitution stipule que les minorités nationales et ethniques peuvent créer des collectivités locales et nationales.

La Constitution ne détermine pas d'une manière différenciée les conditions de la limitation de certains droits fondamentaux, mais énonce d'une manière générale que "les règles relatives aux droits et obligations fondamentaux sont fixées par la loi qui cependant ne peut limiter le contenu substantiel d'un droit fondamental". De ce fait, c'est la Cour constitutionnelle qui a élaboré les conditions plus précises de la limitation et force lui est de déterminer cas par cas en quoi consiste le contenu substantiel du droit fondamental.

Les recherches sur le chapitre de la Constitution concernant les droits fondamentaux ont confirmé l'opinion de ceux qui soulignent que les dispositions sur les droits fondamentaux exigent un développement essentiel. Je partage l'avis selon lequel le catalogue de la Constitution est à compléter par 8 à 10 droits fondamentaux, en mettant à profit particulièrement la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses protocoles, la Charte sociale européenne, les arrêts des organes de jugement en matière des droits de l'homme de Strasbourg, et de la Cour constitutionnelle hongroise, ainsi que d'autres sources. En même temps, il faudrait insérer dans la Constitution quelques nouveaux principes, interdictions et autres valeurs constitutionnelles. Il faudrait déterminer plus précisément le contenu de certains droits fondamentaux et fixer d'une manière plus différenciée, c'est-à-dire adaptant les conditions de limitation au contenu de chacun des droits fondamentaux. La majorité des experts est d'accord pour dire qu'en ce qui concerne les droits fondamentaux, il faudrait se passer de l'exigence de la majorité des 2/3 requise lors de la réglementation par une loi et à l'instar des lois organiques françaises, ne réserver la majorité qualifiée que pour 8 à 10 sujets de l'exercice du pouvoir (p. e. la Cour constitutionnelle, le système électoral, le référendum, les collectivités locales, les tribunaux, la responsablité des ministres, etc.).

VIII. LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE

1. L'histoire de la juridiction administrative en Hongrie commence au moment de la révolution libérale et d'indépendance nationale de 1848-1849. La loi no. III de 1848, relatíve au gouvernement indépendant de la Hongrie et au régime parlementaire, prévoit, dans son article 19, la création d'un Conseil d'État fait sur le modéle français. En raison de 1'écrasement de la révolution et de l'échec de la guerre de libération nationale, ces dispositions n'ont cependant pas pu étre appliquées.

Au cours de la période ouverte par le compromis austro-hongrois de 1867, on s'est d'abord contenté d'instituer, en 1883, un "tribunul financier et administratif" dont la compétence s'étendait à certaines questions en matiére de taxes et d'impositions et concernait tant les décisions individuelles que les normes édictées par l'administration. Cette institution a représenté une garantie essentielle pour les acteurs du système d'économie libérale qui était en train de s'établir àl'époque en Hongrie.

Mais c'est à la loi no. XXVI de 1896 qu'il appartint finalement de mettre sur pied en Hongrie la juridiction administrative, sous la forme d'un Tribunul Administratif Royal, institution qui, améliorée par plusieurs réformes, a ensuite fonctionné jusqu'en 1949.4 Cette juridiction indépendante, jugeant en premier et en dernier ressort, était composée à part égale de juges issus de l'administration et de juges venant des tribunaux judiciaires. Parmi les deux sections du tribunul, la section financière a repris les attributions de l'organisme fonctionnant depuis 1883, alors que la section administrative était chargée des autres compétences du tribunul, énumérées de façon limitative. Sur le fondement de la loi de 1896, le tribunul pouvait être saisi, d'une part, de "plaintes privées" à la disposition des particuliers lorsqu'une décision administrative visée par cette loi était de nature à léser l'un de leurs droits ou leurs intérêts. A l'occasion d'une affaire individuelle dont il était ainsi saisi, le tribunul pouvait éventuellement porter une appréciation sur les actes normatifs du gouvernement ou d'un ministre. D'autre part, le tribunul pouvait également être saisi de "plaintes publiques" introduites par certaines autorités administratives exerçant un pouvoir de tutelle sur d'autres administrations. Une loi de 1907 a étendu la compétence du tribunul au profit des collectivités locales dans leurs rapports avec les autorités centrales de l'État. En 1926, le contentieux électoral a été, à son tour, attribué au Tribunal Administratif Royal.

Le régime d'État-Parti mis en place en 1948-49 a mis fin à l'existence du Tribunal en estimant que cette institution était incompatible avec le pouvoir "populaire", car la rigidité et le formalisme de ses procédures apparaissaient comme un frein à la réalisation des buts "progressistes" de l'État. Pour remplacer la juridiction administrative protectrice de la légalité, on a institué le contrôle administratif exercé par les ministres ou par les autorités supérieures. Ce n'est que dans certains cas particuliers que les tribunaux ordinaires ou une commission pouvaient être saisis. Le retour vers une situation plus satisfaisante s'est amorcé en 1957. La loi n IV de 1957 relatíve aux régies générales de la procédure administrative d'État -qui, après avoir subi de multiplex modifications, est encore, en vigueur- a rendu possible, dès l'origine et pour environ 10% des décisions administratives individuelles, la saisine des tribunaux ordinaires. La réforme de cette loi intervenue en 1981 a confié à partir de cette date au gouvernement le soin d'établir, par décret, la liste des décisions susceptibles de faire l'objet d'un tel recours. Sur le fondement de ce texte la liste des décisions (individuelles) que les intéressés pouvaient attaquer n'a pas cessé de s'élargir.

2. Les conceptions relatives à la juridiction administrative ont elles-mêmes subi les conséquences du compromis politique intervenu en 1989 entre les forces réformistes de l'ancien régime et l'opposition démocratique. De ce fait, l'article 50 de la loi fondamentale résultant de la révision constitutionnelle du 23 octobre 1989 dispose désormais: " le contrôle de la légalité des décisions individuelles prises par les administrations incombe aux tribunaux". En conséquence, et dès 1989, a été instituée au sein de la Cour Supréme, une section appelée "Collège Administratif". En revanche, l'élaboration de la loi nécessaire pour tirer toutes les conséquences de la disposition constitutionnelle précitée a pris du retard. Par une décision de décembre 1990, la Cour Constitutionnelle a cependant refusé d'admettre cette situation: elle a donc prononcé l'annulation de l'article 72 de loi n IV de 1957 confiant au gouvernement l'établissement de la liste des décisions individuelles susceptibles de faire l'objet d'un recours. Par la même décision, la Cour a également constaté l'existence d'une violation de la Constitution "par omission" et a prescrit au législateur de procéder à l'élaboration d'une loi relatíve à la juridiction administrative avant le 31 janvier 1991. C'est ainsi -bien qu'avec un certain retard- qu'est entrée en vigueur, le 27 juillet 1991, la loi no. XXVI de 1991 relatíve à "l'élargissement du contrôle juridictionnel des décisions administratives individuelles". C'est en procédant à la modification de plusieurs textes antérieurs que les cadres de la juridiction administrative qui fonctionne désormais en Hongrie ont été définis.

Contrairement à la solution traditionnelle élaborée il y a une centaine d'années, la loi de 1991 n'a pas institué une juridiction administrative ayant une autonomie organisationnelle propre. La justice administrative est rendue par des juges administratifs spécialisés qui exercent leurs fonctions dans le cadre des tribunaux ordinaires.

Les matières pouvant faire l'objet d'un procès administratif sont multiplex. L'article 2 de la loi attribue en effet une compétence générale à la juridiction administrative en indiquant: "sauf dans les cas où une disposition législative en dispose autrement, il appartient aux tribunaux d'apprécier la légalité des décisions administratives (individuelles)". Dans tous les cas donc où une loi ne l'exclut pas, les intéressés -ou toute autre personne dont l'intérêt légal a été lésé- peuvent déférer à la censure du tribunal les décisions les concernant prises par l'administration et ce dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision. La saisine du tribunal n'est possible que si les voies de recours hiérarchique ont été épuisées ou si un tel recours est exclu.

La loi de 1991 énumére neuf cas où le recours contre la décision administrative est impossible. Le premier de ces cas prévoit qu'une disposition législative peut prévoir d'autres hypothèses excluant l'intervention du juge administratif.

Lorsque le tribunal constate que la décision dont il est saisi est entachée d'illégalité, il en prononce l'annulation, et si nécessaire, il invite l'administration à engager une nouvelle procédure. Dans certains cas, la loi prévoit que le juge peut lui-même procéder à la modification de la décision. En tout état de cause, le sens du jugement et sa motivation s'imposent à l'administration qui doit en tenir compte lors de la nouvelle procédure et dans sa nouvelle décision.

Dans le but de limiter l'intervention de l'État, de modérer le développement de la bureaucratie et afin d'encourager la prise en charge de la société per elle-même, la nouvelle législation hongroise rend possible, et même obligatoire, le transfert de certaines prérogatives de puissance publique pour permettre à certains organismes de s'auto-administrer ou de réaliser les prestations dont ils ont la charge. Le code Civil hongrois désigne ces organismes sous le terme de "corporations publiques". Il s'agit d'organismes créés per la loi auxquels l'affiliation est, en règle générale, obligatoire. Parmi les exemples les plus importants, on peut mentionner l'Académie hongroise des sciences, les Chambres économiques ou professionnelles (chambres de commerce et d'industrie, des métiers, d'agriculture, Ordres des médecins, des ingénieurs, des notaires, des avocats). Les décisions individuelles de ces corporations publiques ne peuvent pas faire l'objet de recours hiérarchique devant une autre autorité administrative mais elles peuvent être portées devant les tribunaux. Les décisions internes de ces organismes relatives à leur statut ou à leur règlement intérieur sont soumises au contrôle de légalité du ministre de rattachement. Lorsque ce ministre estime que l'une de ces décisions est illégale, il doit inviter la corporation concernée à mettre fin à cette situation. Si cette dernière ne se soumet pas à l'injonction, il appartient au ministre de solliciter auprès du juge administratif l'annulation de la norme litigieuse.

IX. LA COUR CONSTITUTIONNELLE

1. La Cour constitutionnelle (par la suite: CC) fonctionne en Hongrie depuis le 1er janvier 1990. Tous les membres du corps -15 conformément à la réglementation originale, 11 conformément aux dispositions constitutionnelles en vigueur- sont élus par l'Assemblée nationale sur proposition d'un comité de candidature paritaire composé des représentants des partis parlementaires. Les compétences de la CC sont extrêmement larges. Sur l'initiative de certains organes, elle procède à un examen de contrôle de normes préalable sur les lois, les conventions internationales ainsi que sur le Règlement du parlement. Sur l'initiative de quiconque, elle exerce un contrôle postérieur et abstrait et sur la proposition des tribunaux ordinaires un contrôle de normes postérieur et concret. Sur proposition de certains organes, elle interprète authentiquement la Constitution, juge les violations de la Constitution par omission, et dans le cas de conditions déterminées, les décisions individuelles violantes des droits constitutionnels des autorités, ainsi que la régularité du référendum national. Le contrôle des normes embrasse également les décrets des collectivités locales. Les décisions de la CC ne sont pas susceptibles de recours, et sont obligatoires pour tous les organes, donc pour le parlement aussi.

En exerçant ses pouvoirs, la CC a accompli un travail intense et a rempli un rôle important dans la mise en oeuvre de la constitutionnalité. Son acceptation du point de vue politique, professionnel et social est prouvée non seulement par le fait que selon les enquêtes sociologiques elle occupe depuis longtemps sur la liste de la popularité des organes d'Etat la deuxième place après le Président de la République, quelquefois même la première place, mais également le fait que parmi les auteurs des 13 mille propositions reçues pendant la durée plus de 10 années, figurent souvent les partis parlementaires et d'autres partis, des commissions parlementaires, des députés, des corporations publiques, des organisations de représentation des intérêts, des organisations civiles ainsi que des citoyens. Dans les débats parlementaires, les députés se refèrent régulièrement aux exposés des motifs des décisions de la CC. Les auteurs des manuels universitaires traitent les décisions se rattachant à leur sujet. Une monographie juridique ou une étude publiée dans un périodique est inimaginable sans l'appréciation des décisions de la CC afférant au sujet. Un débat permanent se déroule dans la littérature spécialisée sur le caractère, la légitimation, l'étendue des pouvoirs, l'ordre de procédure et les motifs des décisions de la CC. On peut dire sans craindre d'exagérer que la CC a considérablement fécondé la science juridique hongroise.

2. Dans les interprétations abstraites de la Constitution ainsi que dans les interprétations concrètes effectuées lors de l'exercice de ses autres compétences, la CC a élaboré la doctrine composée de nombreux principes, interdictions, droits fondamentaux, et autres valeurs constitutionnelles englobées dans la Constitution. Parmi les exigences de l'interprétation de la Constitution, je voudrais souligner les suivantes.

a) La CC fonde toutes ses décisions sur une disposition de la Constitution. Elle ne se refère donc pas aux conceptions philosophiques, idéologiques, politiques, aux caractéristiques générales du système constitutionnel, à l'esprit de la Constitution, à la vérité. Elle ne préfère ni la méthode grammaticale ni la méthode historique de l'interprétation. Elle part de la cohérence des dispositions constitutionnelles qui se fondent l'une sur l'autre et s'efforce d'atteindre que ses décisions soient exemptes de contradictions. Dans cet ordre d'idées, elle se réfère régulièrement à ses décisions antérieures qui servent de précédents.

b) Au début de son fonctionnement, la CC a proclamé le postulat qu'elle met en oeuvre d'une manière conséquente, postulat selon lequel la révolution du changement de régime politique doit être réalisée dans des cadres constitutionnels, avec des moyens constitutionnels de l'Etat de droit. C'est sur cette base qu'elle a déclaré inconstitutonnelle et a interdit l'établissement de la responsabilité des auteurs des crimes politiques commis dans le système politique antérieur et déjà prescrits -exception faite bien sûr des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, imprescriptibles sur la base du droit international-, ou a empêché la discrimination entre les anciens propriétaires privés d'une manière illégale de leur propriété selon la différence des objets de propriété.

c) 90% environ des décisions de la CC se fondent sur les principes, interdictions et droits fondamentaux fixés par la Constitution. Etant donné que la Constitution hongroise ne fixe pas exactement les conditions de la limitation des droits fondamentaux, la CC a élaboré les principes de la nécessité, de la pertinence et de la proportionnalité de la limitation se basant essentiellement en cela sur les principes similiaires de la Cour constitutionnelle allemande.

d) Parmi les décisions et constatations de principe relatives aux droits fondamentaux, je voudrais mentionner les suivantes à titre d'exemples. C'est du droit fondamental à la vie humaine et du droit à la dignité humaine -droit qui s'y rattache indissociablement et est presque illimitable- que la CC a déduit l'inconstitutionnalité de la peine de mort et a annulé les dispositions la rendant possible. Elle a déclaré que le droit fondamental à la dignité humaine est un droit général de la personnalité dont les composants -notamment le droit de l'individu à disposer de soi-même, le droit à l'épanouissement de la personnalité et le droit à l'inviolabilité de la sphère privée- peuvent figurer en tant que droits-mère subsidiaires même au cas où la Constitution ne dispose pas formellement de ceux-ci. L'interdiction de la discrimination de race, de religion, d'opinion politique fixée par la Constitution pour les droits fondamentaux a été étendue par la CC aux autres droits. Parmi les droits fondamentaux, elle a considéré la liberté d'expression comme un droit ayant une destination particulière et a déclaré que la manifestion de l'opinion doit être protégée sans égard à son contenu. En effet, la liberté d'opinion joue un rôle indispensable non seulement dans le développement de l'individu, mais également dans celui de l'opinion publique. La CC a constaté que la sphère de l'expression de l'opinion non punissable à l'égard des acteurs publics -p. e. des hommes politiques- doit être plus vaste qu'à l'égard d'autres personnes.

Le rapport entre les Eglises et de l'Etat est déterminé en Hongrie en premier lieu par la liberté de religion et la séparation conséquente des Eglises et de l'Etat, par la neutralité de l'Etat dans les affaires ecclésiastiques ainsi que par l'égalité en droit des Eglises.5 Il s'ensuit du principe et du fait de la séparation que l'Etat ne peut être lié d'une façon institutionnalisée avec les Eglises, l'Etat ne s'identifie avec l'enseignement d'aucune des Eglises, l'Etat n'intervient pas dans les affaires internes des Eglises et ne peut pas prendre position dans des vérités religieuses ou de foi. Dans les questions de contenu, l'Etat s'en remet donc à l'autointerprétation des religions et des Eglises. Pour donner effet aux normes internes des Eglises, une contrainte de l'Etat ne peut pas être employée. L'Etat ne se charge pas de faire la recette et d'opérer le recouvrement des impôts ecclésiastiques. L'Etat ne peut pas créer d'organes pour la direction et la surveillance des Eglises par l'Etat.

Sur la base de la disposition constitutionnelle de la séparation de l'Etat et des Eglises, la CC a fixé que l'Etat n'est pas obligé de créer des écoles ecclésiastiques ou engagées à d'autres idéologies, par contre il doit créer et faire fonctionner des écoles neutres qui permettent la connaissance impartiale des différentes idéologies et le choix libre. L'Etat ne peut pas refuser la possibilité juridique à ce que des écoles soient fondées soit engagées envers une religion, soit engagées envers l'athéisme; il doit créer les règles juridiques y nécessaires. Si l'Eglise, les parents ont fondé et font fonctionner une école engagée, l'Etat est tenu de l'appuyer dans la mesure dans laquelle ces institutions se sont chargées des tâches étatiques.

La difference entre l'école "étatique" et l'école "ecclésiastique" est la suivante: bien que les deux soient tenues de transmettre les connaissances d'une manière objective, tolérante et respectant le liberté de conscience des élèves, l'école ecclésiastique s'identifie avec les doctrines d'une religion, tandis que l'école étatique ne peut le faire, ne peut prendre position sur la vérité des doctrines religieuses, c'est-à-dire elle est tenue de rester neutre dans les question religieuses. L'école étatique neutre doit offrir la possibilité du choix libre et bien fondé. L'enseignement global, proportionnel et objectif des connaissances idéologiques doit se manifester dans l'ensemble du fonctionnement de l'école. Au cas où l'enseignement est objectif, l'Etat ne peut contraindre aucun des maîtres à passer sous silence sa propre conviction.

e) Dans le cadre des débats menés dans la littérature juridique sur la CC ainsi que lors des recherches visant la préparation théorique de la nouvelle Constitution, plusieurs conclusions coïncidentes ont vu le jour. Parmi celles-ci, je partage moi-même les suivantes. En vue de modérer les aspirations politiques du parlement, d'encourager le pluralisme, il y aurait avantage à ce que également en Hongrie les juges de la Cour constitutionnelle reçoivent leur mandat dans une proportion égale du chef d'Etat, du parlement, ainsi que du conseil suprême de la justice. Il faudrait fixer en détail dans la Constitution les pouvoirs de la CC, d'une part en les réduisant, d'autre part en les élargissant. Le droit de décision relative à plusieurs sujets -p. e. décrets des collectivités locales, référendum local, dispositions intérieures de l'administration- devrait être transmis au tribunal administratif. Il faudrait assurer que dans des cas bien motivés, la CC puisse suspendre l'exécution de la norme soumise à l'examen. Contrairement à la solution actuelle, il faudrait rendre possible que le Règlement de la CC soit fixé non par une loi, mais par la CC elle-même dans un Règlement promulgué.

*Professeur de droit public, ancien juge constitutionnel.

Notas:
1 Cfr. Adam, A., "La mise en place du système de gouvernement en Hongrie", en Milacic, S. (dir.), La démocratie constitutionnelle en Europe centrale et orientale. Bilans et pespectives, Bruxelles, Bruylant, 1998.
2 Depuis 1999 la Hongrie est un des membres de l'OTAN.
3 Cfr. Adam, A., "Les valeurs constitutionnelles comme la base de la constitutionalisation de l'ordre juridique de Hongrie", en Péteri, Zoltán (ed.), Legal problems of transition in Hungary, Budapest, Hungarian Academy of Sciences Institute for Legal and Administrative Sciences, 1998.
4 Cfr. Adam, A., "Le contrôle de légalité des actes normatifs de l'administration en Hongrie", Études & Documents, París, Conseil d'État, núm. 46, 1994.
5 Cfr. Adam, A., "La liberté religieuse en Hongrie", Il Diritto Ecclesiastico, núm. 2, 1995.